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Allocution du Cardinal Piat au Thabor lors du lancement de la mise en œuvre de Kleopas dans les écoles et collèges catholiques

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Merci, chers amis membres du personnel des écoles et collèges catholiques. Merci parce que c’est grâce à vous que nos écoles, nos collèges catholiques rendent aujourd’hui un si grand service à l’île Maurice, un service aux enfants mauriciens pour les aider à se développer humainement, un service aux parents pour les soutenir dans leur responsabilité de premiers éducateurs de leurs enfants, un service enfin à la société mauricienne, car c’est grâce aux valeurs vécues en salles de classe, dans le staff rooms, dans les cours de récréation que se forgent le respect mutuel, la solidarité, l’entraide, ou la simple joie d’être ensemble qui assurent la dignité du peuple mauricien.

Merci pour votre engagement personnel dans ce service, merci pour votre dévouement à la cause de l’éducation, au-delà de l’enseignement. Merci d’assurer ce service avec l’intelligence du cœur. Merci de donner de vous-mêmes et d’être au milieu de vos élèves non seulement des maîtres mais des témoins. Car vous savez que les jeunes d’aujourd’hui écoutent plus volontiers des témoins que des maîtres, et s’ils écoutent des maîtres c’est parce qu’ils sont aussi des témoins.

Avec Kleopas nous avons voulu approfondir les différents éléments de ce service que l’école catholique veut rendre à la société mauricienne et prendre comme un nouveau départ avec joie, courage, espérance. Le fruit de cette recherche est consigné, comme vous savez, dans la Charte de l’Education Catholique. Et plus j’avance dans la vie, plus l’expérience me montre que ce service est essentiellement un service gratuit. Gratuit seulement dans le sens où les écoles et collèges catholiques sont insérés dans le système d’éducation gratuite qui prévaut à l’île Maurice depuis janvier 1977. Mais gratuit aussi et surtout parce que toute éducation digne de ce nom dépend essentiellement de l’engagement humain gratuit de chaque enseignant dans son métier d’éducateur. Une école ou un collège ne peut pas être un lieu d’éducation authentique si chaque enseignant ne cherche pas à développer dans les salles de classe, dans les corridors autour de la cantine, sur les terrains de jeux, dans le staff room et dans les bureaux de l’administration, à l’assemblée du matin ou à la sortie des classes, une véritable culture du service gratuit. Cette culture s’exprime dans l’écoute active des élèves, dans l’accueil des parents, dans le soutien mutuel entre enseignants, dans une discipline assumée sereinement et dans l’attention apportée à l’ensemble de la vie de l’enfant, dans l’accompagnement et l’encouragement de chacun sur son chemin de croissance, dans une évaluation qui tienne compte des différents aspects du développement personnel de l’élève. En un mot, cette culture du service gratuit dans l’éducation est une facette de cette culture de la miséricorde que le Pape François nous invite à développer. Une culture qui s’inscrit dans les paroles et les petits gestes quotidiens qui font la trame de la vie d’une école, une culture qui s’infiltre et influence la manière d’organiser le travail, la détente, les temps de ressourcements spirituels, une culture qui stimule en nous la créativité, met tout le monde dans le coup pour qu’on puisse toujours respirer à l’école un air pur, un air vivifiant qui nous garde en bonne santé.

En cherchant à mettre en œuvre cette culture de la miséricorde, il faut se méfier de la tentation, la compétition à outrance. Car celle-ci a tendance à engendrer le vedettariat superficiel, la jalousie, le soupçon, le chacun pour soi, le bourrage de crâne, la survalorisation des résultats académiques au dépens de l’attention à accorder au progrès réel des élèves une compétition qui peut aller jusqu’à entraîner une perversion de l’enseignement et de l’éducation qui deviennent une marchandise qu’on vend et non plus un service qu’on rend.

Il se trouve que le chemin de renouvellement de l’éducation catholique que nous commençons avec Kleopas, coïncide avec le lancement du 9 year schooling qui se veut lui aussi un chemin de renouvellement dans le système d’éducation à Maurice. Ce qui m’amène à vous partager ceci : chacun peut avoir une appréciation des différentes mesures préconisées par le 9 year schooling. Mais une chose est sûre : beaucoup de perspectives pédagogiques intéressantes et attendues depuis longtemps s’ouvrent avec cette réforme. Le système marchera si nous nous engageons sur ces nouvelles avenues avec une intelligence de cœur, avec une fidélité qui n’hésite pas à être aussi créatrice, et à tenir compte davantage de l’esprit que de la lettre. Vaclav Havel, un homme sage, ancien Président de la Hongrie disait avec beaucoup de pertinence « Ce n’est que par une vie meilleure que l’on peut construire un meilleur système ».

J’avoue que j’ai la forte intuition que cette coïncidence entre le début de Kleopas et le début du 9 year schooling est providentielle. Car chacun à sa manière nous ouvre des portes qui permettent d’avancer sur le chemin de cette culture du service gratuit et de la miséricorde qui est au cœur de l’éducation que nous voulons offrir dans nos écoles.

Oui, cette culture est vraiment nécessaire pour que les écoles et les collèges catholiques puissent atteindre les grands objectifs de l’éducation catholique

  1. Objectif 1 : Le développement intégral des enfants et des jeunes

Pour qu’un enfant puisse apprendre et assimiler ce qu’il apprend, être heureux d’apprendre, il a besoin d’évoluer dans un contexte de sécurité affective où il sent qu’on s’intéresse à lui comme personne, qu’il a de la valeur aux yeux de ses maîtres/maîtresses peu importe ses résultats et que ses enseignants sont disposés non pas seulement à lui remplir la tête mais à faire avec lui un bout de chemin. Je me rappellerai toujours de cette fête de fin d’année scolaire dans une école spécialisée dans le repêchage des enfants qui avaient échoué 2 fois aux examens de 6e. C’était avant l’institution du Pre-Voc.

Objectif 2 : Promouvoir une communauté scolaire fondée sur l’ouverture, la rencontre, l’estime mutuelle entre personnes de cultures différentes

Pour participer à la construction d’une telle communauté, les personnes ont besoin de respirer l’air pur de la gratuité, dans l’accueil, l’entraide, l’amitié offerte et vécue au quotidien. Comment découvrir et apprécier la culture de son collègue ou de son camarade de classe, si chacun ne sent pas qu’il est accepté pour ce qu’il est, s’il ne perçoit pas qu’il a de la valeur comme une personne et que sa dignité est reconnue aux yeux des autres, si la culture où il a grandi n’est pas perçue comme une menace mais comme une contribution appréciable au développement de la communauté scolaire.

Je me rappellerai toujours de ce séjour de 3 mois que j’avais passé dans une paroisse de Bangalore en Inde. J’avais été accueilli très chaleureusement par une famille catholique indienne. Mais au fil du séjour, je reconnais que j’étais choqué par plusieurs choses. Heureusement qu’avec ces bons amis indiens, je pouvais parler en confiance et très fraternellement ils m’expliquaient. Un exemple en particulier est resté dans ma mémoire…

Objectif 3 : Témoigner de l’Evangile

Enfin, last but not least, cette culture du service gratuit ou de la miséricorde est la condition sine qua non pour que l’école catholique puisse témoigner de l’Evangile, approfondir l’Evangile et partager fraternellement ce qui, en fait, est sa première source d’inspiration. Le Pape François, dans une lettre récente, nous met en garde contre ce qu’il appelle la tentation de faire seulement la théorie de la miséricorde. Et c’est pourquoi il nous invite à développer cette culture de la miséricorde dans notre manière de vivre quotidienne.

N’oublions pas. La miséricorde est au cœur de ce que Dieu veut nous révéler de lui-même dans l’Evangile. Pour en témoigner, il ne suffit pas d’en parler, il faut avoir ressenti soi-même le bien immense qui nous est fait lorsque cette miséricorde nous atteint, par exemple, à un moment où nous avons été accueillis fraternellement alors que nous nous sentions seuls et marginalisés, ou lorsque quelqu’un m’a écouté et compris alors que je portais un lourd fardeau, ou lorsqu’un frère ou une sœur m’a encouragé alors que je me sentais incapable d’avancer..

La miséricorde de Dieu parle aux gens, touche les gens à travers la façon dont nous en vivons nous-mêmes. On reconnaîtra aussi sa puissance de transformation dans une vie humaine lorsque des personnes comme vous et moi se seront reconnus faibles et pécheurs, se seront confiés à elle, se seront laissés transformer par elle et auront connu cette paix, cette joie tranquille, cette énergie nouvelle qui refleurit en nous quand on ne cherche plus sa sécurité en se reposant sur sa propre performance morale ou professionnelle mais en faisant confiance humblement à la miséricorde de Dieu qui se révèle en Jésus, et qui nous atteint à travers la façon de3 vivre d’humbles témoins de la miséricorde.

  1. Attention aux plus pauvres

Le test le plus parlant pour savoir si l’école s’est engagée vraiment sur ce chemin d’une culture du service gratuit de la miséricorde, c’est d’examiner sa façon d’accueillir et d’accompagner les élèves les plus pauvres. Comme vous savez, à Maurice, année après année entre 25 et 30% de nos enfants échouent le CPE. Ce sont eux, nos frères et sœurs les plus pauvres, les plus abandonnés. Beaucoup d’initiatives intéressantes ont déjà été prises dans plusieurs écoles primaires et dans plusieurs collèges secondaires. Et je tiens à remercier chaleureusement ici tous ceux et celles qui y sont engagés. Nous ne sommes pas à zéro dans l’accueil et l’accompagnement des pauvres. Mais il y a encore beaucoup de chemins à faire. J’aurais beaucoup souhaité qu’on fasse un peu le relevé des « best practices » pour cet accueil et cet accompagnement dans nos écoles mais aussi en dehors de nos écoles où il y a de très belles choses qui se vivent. Qu’on analyse et évalue ces pratiques, qu’on cherche à voir comment insérer le meilleur qu’on aura recueilli dans les nouveaux créneaux ouverts par le 9 year schooling ; ou s’il n’y en a pas, créer des créneaux, faire des propositions, avoir une charité créative et ne pas se laisser arrêter par le « permis et au défendu » dans les règlements.

Une des images qu’utilise l’Evangile pour nous inviter à cet amour gratuit et créatif, c’est « si quelqu’un te requiert pour une course d’un mille, fais en deux avec lui » (Mt 5, 41).

Je voudrais en terminant vous donner 2 exemples d’enseignants dans nos écoles catholiques qui ont accepté de « faire une course de 2 milles » avec un élève, alors qu’il n’était obligé qu’à marcher un mille seulement avec lui.

  1. Exemple de l’enseignante à Belle Rose
  2. Exemple de l’enseignante à Bel Air

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